Coordinatrice d’intimité : un métier pour encadrer les scènes de nu sur les tournages
Publié : 6 février 2024 à 8h30 par Étienne Escuer
Une coordinatrice d'intimité peut désormais encadrer les scènes de nudité dans les films.
Crédit : Pixabay - Image d'illustration
Un nouveau métier a fait son apparition ces dernières années sur les plateaux de tournage : coordinatrice d’intimité.
Mieux encadrer les scènes de nu sur les tournages des films et séries : c’est le rôle des coordinatrices d’intimité, un métier qui s’est développé ces dernières années dans le sillage de la vague #Metoo. « Cela consiste à accompagner les comédiens ou les comédiennes et la mise en scène dans la création, la préparation et le tournage des scènes de nudité et d’intimité », explique Monia Aït El Hadj, pionnière de la profession en France, qui a notamment travaillé sur la série Emily in Paris. « On vient créer une culture du consentement, ouvrir un espace où les interprètes vont pouvoir venir exprimer leurs limites et faire en sorte que ça vienne matcher chorégraphiquement avec ce qu’a imaginé un ou une réalisatrice. » Tourner une scène d’intimité, « ce n’est pas anodin », rappelle la coordinatrice d’intimité. « Ces scènes sont souvent le parent pauvre dans la préparation d’un film, on les laisse un peu à l’improvisation et les interprètes apportent leur propre intimité. »
Importé des États-Unis, le métier est en essor depuis le mouvement #Metoo. « Beaucoup de comédiennes se sont exprimées sur leurs conditions de travail, notamment pour ces scènes de nudité, et ont raconté des anecdotes qui leur sont arrivées », poursuit Monia Aït El Hadj. Elle fait le parallèle avec les scènes de cascades : « Il y a toujours un coordinateur pour les cascades, on ne se dit jamais qu’on verra bien comment ça va se passer le jour du tournage. Pour les scènes de nudité, c’est pareil, ces scènes-là ont besoin d’être préparées. »
Un travail en amont et pendant le tournage
Le travail de la coordinatrice d’intimité ne débute pas le jour du tournage. « Il y a tout un travail de préparation où l’on échange avec la mise en scène, les interprètes, le département costumes. Pour les scènes les plus importantes, on va chorégraphier et poser un cadre », détaille Monia Aït El Hadj. « L’idée, c’est de faire un point de rencontre. Si un comédien ou une comédienne pose une limite, on va pouvoir proposer autre chose. Il y a plein de manières de raconter l’intimité, ce n’est pas juste deux personnes qui s’embrassent ou de la sexualité. » Vient ensuite la phase du tournage, où la coordinatrice d’intimité est également présente. « On est là pour faire en sorte que tout se passe bien, que les limites des interprètes soient respectées et que ça corresponde à ce qu’avait imaginé la mise en scène », poursuit Monia Aït El Hadj.
Pourquoi instaurer cet intermédiaire entre les comédiens et comédiennes et la mise en scène ? Cela permet de rééquilibrer le rapport de force, selon Monia Aït El Hadj. « Ça peut être compliqué parfois de dire non à un réalisateur ou une réalisatrice », confie-t-elle. « C’est un milieu assez précaire et on n’a pas forcément envie de passer pour la personne qui dit non et avec qui c’est compliqué de travailler. »
Un métier encore méconnu en France
Ces dernières années, le métier a été accueilli de manière diverse sur les tournages. « Des gens ont été très enthousiastes, se sont demandés pourquoi ça n’existait pas avant, notamment chez les plus jeunes », explique la coordinatrice d’intimité. « D’autres sont plus dubitatifs mais trouvent ça bien, finalement. Et puis il y a des gens très contre, mais on en rencontre de moins en moins. » Monia Aït El Hadj rappelle d’ailleurs qu’elle n’est « pas la police des bonnes mœurs, pas là pour faire de la censure, et pas là pour gommer ou effacer la sexualité ». Depuis son arrivée sur les tournages, elle constate d’ailleurs surtout des retours positifs.
Aujourd’hui, aucune formation de coordinatrice d’intimité n’existe en France. Monia Aït El Hadj s’est ainsi formée à l’étranger. Deux autres coordinatrices formées exercent en France, mais certaines personnes non formées interviennent aussi sur les tournages. Le recours à la profession reste minoritaire, au bon vouloir des productions, réalisations ou comédiens et comédiennes. Monia Aït El Hadj milite pour faire connaitre son métier, notamment auprès du public. « C’est aussi au public d’être alerte par rapport à ce qu’il consomme. C’est le cas déjà pour la nourriture qu’on consomme ou les vêtements qu’on porte, ça devrait être aussi le cas pour les images qu’on consomme », conclut-elle.